Le 11 avril 2012, la une du Monde affichait «Opération vérité sur les tarifs médicaux». Trois journalistes – dont moi-même – avions réussi à récupérer les données du site ameli-direct dans les dix plus grandes villes de France pour s’intéresser à la question du dépassement d’honoraire. Quelques mois plus tard, Que Choisir proposait une carte étendue à toute la France se focalisant sur les déserts médicaux créés par les dépassements d’honoraires. Fourmisanté, dans l’intervalle mettait à disposition sur son site les tarifs des médecins en accès libre. L’Assurance maladie adressait à ce site des mises en demeure, qui a préféré alors ne plus afficher les tarifs. Les tarifs des médecins étaient des données personnelles, assurait la Sécu.
Six années plus tard… Les données ont été mises en ligne, très très discrètement, par l’Assurance maladie sur le site data.gouv.fr, au le début du mois d’avril. C’est vraisemblablement l’intégralité du site qui est disponible, mais pas forcément intelligible. On trouve l’ensemble des infos disponibles sur l’annuaire santé. Il ne faut pas y voir une volonté nouvelle de transparence de la part de l’Assurance maladie. En tout cas, rien de volontaire. Elle ne fait qu’appliquer la loi de modernisation de santé passée en 2016.
Exemples. Avec un peu de travail, la base de données permet néanmoins de réaliser des analyses poussées sur les tarifs des différents médecins. Par exemple, on peut noter qu’un semestre de traitement d’orthopédie dento-faciale coûte entre 1 600 euros – chez une dentiste dans le 16ème arrondissement de Paris – et 194 euros, tarif de base du remboursement, pratiqué par seulement quatre dentistes selon la base de données. La moyenne des tarifs pratiqués s’établit à 700 euros. On peut aussi réaliser rapidement une carte des tarifs des consultations des médecins généralistes à Paris, montrant toujours la disparité est-ouest. Une consultation avec un généraliste à Paris coûte donc entre 23 euros et 130 euros.
Bonne nouvelle. On ne peut que se féliciter de ces mises en ligne de données, qui permettent une meilleure information des patients. Il manque éventuellement des informations facilitant le travail, comme une table de correspondance entre les codes et les actes, des entêtes aux fichiers… Les conditions de réutilisation ne sont pas forcément très claires. Si le fichier est en licence ouverte, la CNAM précise que «la réutilisation de ces données est soumise au respect de la réglementation relative à la protection de la vie privée». Peut-on dire que Danielle Tallec, médecin généraliste à Paris 16ème, demande 130 euros pour une consultation remboursée sur la base de 23 euros, faisant d’elle la médecin généraliste la plus chère de Paris ?
PS : Je voulais mettre en ligne une version plus propre de la base de données des tarifs, mais mes compétences semblent limitées. J’ai réussi à verser leur fichier csv dans une base SQL avec la commande LOAD INLINE en m’étant préalablement fait chier à créer des noms de colonnes, mais mon ordinateur ne réussit pas à les exporter à nouveau quelque soit le format…