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«La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.»

J’ai récemment pris une habitude, dans les mails envoyés à des ministères ou autre administration : glisser en signature l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen et l’article 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration. Un petit rappel que ce n’est pas forcément à eux de décider ce qu’ils peuvent transmettre ou non.

Dernier exemple en date : les finances des HLM. Le budget 2018 prévoit de les faire contribuer à l’effort budgétaire en rabotant les APL. Dans la presse, l’exécutif s’appuie sur des faits pour justifier la mesure : certains offices auraient largement les moyens de supporter l’effort demandé.

Emmanuel Macron en interview télévisée sur TF1 a ainsi déclaré :

«Dans le monde HLM, il y a des réserves, des acteurs qui ont beaucoup d’argent. On va leur demander de faire un effort. De l’autre coté, il y a des organismes qui ont des publics en difficulté, beaucoup plus modestes.»

«Sur les 750 offices HLM de France, certains sont dans une situation difficile. Mais d’autres ont dégagé des réserves considérables», expliquait de son côté Edouard Philippe à Libération. Même François Baroin, patron des maires de France reprenait cet élément. «Sur les 700 organismes HLM, certains ont une trésorerie opulente. Mais 120 feront faillite dès l’an prochain», déclarait-il au JDD.

Ma question est alors simple, quels chiffres ou rapport utilisent-ils pour faire de telles déclarations. Une des réponses est un référé de la Cour des comptes, mais qui se contente de donner des chiffres globaux :

«Le secteur HLM a globalement dégagé en 2014 un résultat net comptable de 3,3 milliards d’euros et une capacité d’autofinancement de 9,7 milliards d’euros».

Rien qui ne permette donc de connaître la répartition de cette trésorerie, si la moitié repose sur des tas d’or quand l’autre moitié croule sous les dettes, si la répartition est plutôt en cloche, avec de nombreux offices qui ont juste de quoi vivre et construire… Ni même de vérifier si les trésoreries les plus importantes sont là où les bénéficiaires d’APL sont les plus nombreux. C’est donc l’objet de ma demande à différents acteurs.

tl;dr : j’ai rien eu

A l’Union sociale pour l’habitat, qui représente les opérateurs HLM, on m’a expliqué qu’ils ne pouvaient pas diffuser de tels chiffres et qu’ils ne les avaient pas forcément. En revanche, ils étaient prêt à me présenter les offices qui pâtiraient le plus de la prise en charge de la baisse des APL.

Au ministère du logement, ils m’ont renvoyé sur le rapport de la Cour des comptes. Ma demande de chiffres détaillés n’a toujours pas reçu de réponse.

À Matignon, j’attends encore que quelqu’un réponde à mes deux mails.

Nous avons demandé aussi à l’Ancols, qui est l’autorité en charge du contrôle des acteurs HLM. Outre une compilation de tous leurs rapports dans un tableur, j’ai réclamé plus de chiffres. Ils m’ont renvoyé vers le ministère de la cohésion des territoires.

Et puis, il y a l’Élysée. Ils ont traîné à nous répondre.

Après ce mail, une membre du service de presse m’a rappelé. Elle avait les chiffres sous les yeux, disait-elle et me confirmait que certains acteurs avaient des réserves, sans les nommer. Mais elle ne pouvait pas me les transmettre, parce que ce n’était pas à l’Élysée de faire ça.

Il fallait que je lui fasse donc pleinement confiance sur le fait qu’Emmanuel Macron avait des éléments pour dire que certains offices avaient des réserves. Mais que je ne pouvais avoir aucun document pour le confirmer.

Résultat : ces informations existeraient, personne ne veut ou ne peut me les partager. La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen dit que «la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.» L’administration répond en revanche quand ça lui chante.

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