Samuel Goëta est docteur en sociologie depuis le 8 septembre 2016. Il a présenté hier sa thèse sur les coulisses de l’open-data, écrite à partir d’un travail ethnographique dans une demi-douzaine d’institutions et entreprises françaises.
Plusieurs éclairages intéressants sont sortis de cette présentation – je n’ai pas encore lu la thèse – notamment sur les «petites mains». Les agents de l’administration, qu’on présentait il y a encore cinq ans, assis sur un tas de fichiers Excel qu’ils gardaient jalousement ne sont pas aussi mal intentionnés qu’on veut bien le dire. «Il y a de vraies raisons organisationnelles qui empêchent l’ouverture de certaines données», expliquait le tout nouveau docteur.
C’est un processus inévitable, mais coûteux, complexe, difficile et plein de risque pour les agents.
Les données n’existent pas vraiment en tant que telles dans les administrations. Il faut, explique Samuel Goëta, qu’il existe un public, une demande, pour que ces informations soient rassemblées en jeux et publiées sur des plate-formes. Et parfois, les publics n’apparaissent pas aussi évidemment que prévu. Il faut alors organiser les données, travailler dessus. Il emploie d’ailleurs pour ce travail le mot d’«édition» plutôt que celui de «nettoyage». D’autres moyens de créer du public sont trouvés dans l’organisation de hackathons. Leur seule fin est rarement de créer des applications innovantes – même si ce but reste l’argument vendu au dirigeants et par les services de communication –, mais plutôt de faire se rencontrer les producteurs et les potentiels réutilisateurs, de créer un public. D’ailleurs souvent, les productions sortant des hackathons fonctionnent très rarement et la réflexion s’arrête au prototype.
La discussion a également tourné sur les vraies raisons motivant ce mouvement d’organisation des données de l’administration. Au niveau local, la stratégie d’«ouverture des données» dépend beaucoup du service la supervisant (DSI, communication, modernisation…). Au niveau national, le discours sur la transparence ou les points de croissance, l’ouverture des données publics en France a glissé vers un discours sur la modernisation de l’Etat. Mais le mouvement «manque de vision politique», notait un autre membre du jury.
En résumé, pour reprendre les mots d’un membre du jury, «l’open-data est un non-sens». Il ne faudrait pas parler de «données», mais «d’instaurées». Les fondements de l’open-data ne sont pas ces informations structurées, mais leur réutilisation.