Paranoïa
Pendant des nuits, elle raconte sa vie, ses ressentis. Elle parle de l’actualité et y ajoute ses impressions. Semble-t-il, tout ne tourne pas rond. « Ils » ont beaucoup d’influence sur elle. « Ils » la traquent. Face à sa webcam, elle déballe tout ce qu’elle a sur le coeur. Pendant plusieurs fois 15 minutes. Elle répond aux commentaires sous la vidéo. La réaction des spectateurs était partagé. À mi-chemin entre la gêne et l’hilarité. Il faut dire qu’elle a beaucoup d’imagination. Un peu trop même. Elle mélange DSK, son ex-mari et des noms d’anonymes. Elle mêle sa vie à un vaste complot mondial. Et le monde entier est spectateur.
Quelques jours plus tard, le compte est fermé.
Obsession
Ailleurs, c’est une autre femme. Elle a rapidement compris les rouages du réseau. Elle poste régulièrement. Elle répond. Elle envoie des messages privés. Et dans sa tête, une ou deux obsessions. Ne pas être contredite. Séduire cet homme. Elle use de tous les stratagèmes. Aussi bien en ligne qu’hors-ligne. Elle ment, effrontément. Plus c’est gros, plus ça passe. Et elle prend le statut de la victime, qui fait écran pendant de nombreux mois.
Et puis un jour, le compte est muet.
Discussion
Selon Dominique Dupagne, le clavier et l’écran enrobent d’un « sentiment de protection » la discussion. C’est bien plus simple de parler avec d’autres gens derrière un ordinateur. D’ailleurs, un des premiers forums qu’on lui a demandé de créer sur atoute.org est réservé aux personnes souffrant de schizophrénie. C’est un « espace où ils se sentent libres de communiquer ».
De manière générale, quand quelqu’un est différent, quand il n’est pas normal, on le rejette. Internet gomme ces différences. On peut se fondre dans la masse et paraître normal.
Sur Internet, on ne sait pas que vous êtes fou. Du moins, pas au premier coup d’oeil. On ne sait pas non plus que vous êtes vieux. Permettre d’accepter tout le monde, sans le juger au premier abord est peut-être la première qualité d’Internet. Accueillir dans le réseau les invisibles et les traiter comme n’importe qui.