Encouragée depuis quelques années en matière de contentieux administratif, la médiation n’est pas une bonne solution pour les journalistes demandant des documents administratifs, ai-je conclu après l’avoir expérimentée.
Je viens d’envoyer un chèque de 550 euros à l’Association Alpes-Maritimes Médiation. C’est une somme non négligeable qui vient clôturer plusieurs heures de discussion avec la régie des transports Lignes d’Azur, à Nice.
La régie a organisé en 2018 et 2019 une expérimentation avec Uber : les déplacements nocturnes avec Uber sur certains trajets étaient pris en charge pour partie par la régie. J’avais demandé plus d’éléments, notamment le compte-rendu de l’expérimentation et les données anonymisées partagées par Uber. Mais la régie ne souhaite pas communiquer sur le sujet.
J’avais saisi le juge administratif à la suite de l’absence de réponse à mes messages, que ce soit avant ou après l’avis favorable de la Cada. La médiation dans le cadre administratif se développe et elle m’a ainsi été proposée par le juge. En appelant le greffe du tribunal, on m’a expliqué qu’il était de bon ton de suivre le juge, pour montrer sa bonne foi, mais on a oublié de me dire que ça pourrait avoir un coût1. J’ai accepté cette médiation, ne sachant pas trop à quoi m’attendre.
Rendez-vous fut donné à Cannes, un matin d’octobre, pour plusieurs heures d’échanges. Nous étions cinq dans une pièce : deux médiatrices, deux personnes de la régie et moi. Nous aurions pu être accompagnés d’avocat·es. La médiation est couverte par un principe de confidentialité, je ne pourrai donc pas trop détailler la teneur de ces échanges. Ce que je peux dire néanmoins, c’est qu’elle ne se prête pas vraiment au travail journalistique. Ce sont des arrangements en bout de table dans lesquels les textes de loi n’ont pas beaucoup d’importance, surtout si le refus de communication des documents est confirmé dès le départ.
Il faut refuser les médiations proposées par le juge administratif, si besoin en l’argumentant.
Le recours devant le tribunal administratif vient à la suite d’une absence de réponse de l’administration, et bien souvent d’une absence de justification pour ce silence. Il y a fort à penser que l’administration ne va pas changer d’avis parce qu’elle nous rencontre dans un petit bureau avec des Schoko-Bons et du café.
S’ajoute à cela que l’administration est représentée dans ces échanges par une ou deux personnes, qui n’ont pas tous les pouvoirs, et que donc la médiation se retrouve suspendue à des délibérations ultérieures, à des vérifications, etc. Ce qui entrave le processus.
En plus, cette médiation, comme je l’ai dit n’est pas gratuite. Il faut compter un forfait de 500 euros pour la première rencontre, 50 euros de frais de dossier, et des euros supplémentaires pour d’autres rencontres.
Dans la médiation, il y a une volonté d’en sortir avec une solution qui arrange tout le monde. On en vient donc à proposer au journaliste des « interviews exclusives » ou des documents « sous embargo ». Payer 550 euros un intermédiaire, plus le transport, pour obtenir une interview n’est pas la conception que je me fais du journalisme. La médiation s’est donc terminée sur un échec. La procédure va reprendre son cours.
Le droit peut être l’allié des journalistes, et il faut continuer à l’utiliser pour que les administrations, et leurs services communications, ne soient pas les seules à décider du moment ou de l’opportunité de publier des documents. Le droit peut d’ailleurs aussi servir face à des entreprises : on a ainsi vu dans le dernier épisode de Cash Investigation les journalistes se rendre au tribunal pour obtenir les comptes de Paprec et ses filiales.
1 On m’a opportunément rappelé que la saisine du tribunal administratif n’était pas gratuite et qu’un remboursement des frais de la partie adverse en cas de rejet de la requête peut être demandé. Je réfléchis d’ailleurs à l’opportunité de créer une association, ou au moins un collectif, qui documenterait les bonnes pratiques dans la collecte de documents administratifs et aiderait financièrement les journalistes concerné·es, avec pourquoi pas un « Fonds de dotation Lignes d’Azur »… Si ça vous intéresse, envoyez un mail ou un message !